lundi 13 octobre 2008

Sans sous-titre

Mukashi mukashi...

Avant l'apparition de la vidéo domestique, les films se voyaient en salle. Il existait bien des versions en bobines super 8 pour la projection à domicile, mais la pratique n'était pas franchement répandue.
Et en salle, il n'est pas fréquent qu'un film étranger soit projeté sans doublage ni sous-titres permettant la compréhension des dialogues par les autochtones. Les exceptions existent, mais elles sont rares.

Avec l'arrivée de la VHS, puis surtout avec sa démocratisation et la baisse du prix du matériel, on a pu faire des duplications de films. Et du coup des échanges par la poste. Dans le monde entier (ou presque).
Evidemment aujourd'hui le procédé semble lourd et fastidieux, mais pour la première fois il était possible sans dépenser des fortunes d'avoir accès à plein de films ignorés par les distributeurs locaux. Et donc dans le tas, des films sans sous-titres dans des langues diverses et variées.
En ce qui concerne l'asie, les hong-kongais avaient l'extrême amabilité (même si ce n'était pas à notre intention) de mettre des sous-titres anglais sur leurs bandes. Ce n'était pas le cas des japonais. Il y avait bien VSOM qui traduisait certains titres, mais au prix d'une qualité très dégradée, en plus d'une bonne quantité de dollars.
Bref, c'est probablement à cette époque que la vision de films sans sous-titres dans une langue inconnue du spectateur s'est développée.

Or la VHS repose désormais dans son cercueil, et les DVD et divers formats de vidéo numérique permettent de nombreuses adjonctions ou bidouillages de sous-titres. Hélas la pratique du fansub est restée pour une bonne partie cantonnée au domaine de l'animation japonaise. Pas que ce soit inexistant dans d'autres domaines cinématographiques, mais plus rare, moins assidu.

Donc la question se maintient : quel sens cela a-t-il de regarder un film dont on ne comprend pas les dialogues ?

A l'évidence, et même avec le concours d'un synopsis, la perception de l'oeuvre sera différente. Moins sensée probablement, mais plus sensorielle. Une autre forme d'immersion.
Tous les films ne se prêtent pas au jeu, et découvrir ainsi un documentaire historique peut se révéler ennuyeux ou frustrant.
Mais voilà, les japonais ne mettent pas systématiquement de sous-titres anglais sur leurs DVD, et Geneon sort des titres qui ne peuvent pas laisser insensible.

Ainsi Ningyo Densetsu (Mermaid Legend 1984) de Toshiharu Ikeda reste-t-il magnifique sans la compréhension des dialogues, avec sa musique envoutante, ses sublimes passages sub-aquatiques, sa sauvage scène de massacre post-coïtal et son hécatombe finale inoubliable.



Nureta koya o hashire (Retreat through the wet wasteland 1973) de Yukihiro Sawada, Roman Porno en forme de film noir désespéré se comprend dans les grandes lignes sans trop de difficultés. Cette histoire de flics pourris s'ouvre sur un braquage avec viol et se referme avec un scène plus sauvage encore.
Au milieu erre un personnage amnésique qui rencontre une jeune fille dans le train :



Evidemment, si on m'offrait des sous-titres français ou anglais pour ces films, je prendrais sans hésiter. Mais il n'y en a pas pour l'instant, et l'expérience qu'est la vision de chacun d'entre eux en l'état, ben c'est pas du pipi de chat.

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