jeudi 18 décembre 2008

Sexe, violence et désespoir

Kurutta Butokai
aka Muscle
aka Lunatic Theatre

Ryuzaki est rédacteur en chef d'une revue beefcake nommée Muscle. Il vit une relation SM passionnée avec Kitami, peut-être un peu trop intensément puisqu'il finit par coupeer un bras de son amant d'un coup de sabre. Après un passage par la case prison, il ressort obsédé par l'idée de retrouver son one-armed lover dont il a conservé le membre tranché dans un grand bocal de formol. Si c'est pas symbolique, ça...

Bien que Sato ait surtout oeuvré dans le pinku hétéro, il a réalisé quelques films pour ENK, une branche spécialisée dans l'érotisme gay, et Kurutta Butokai est son second film dans ce cadre.
On retrouve ici son univers, à savoir un esprit de solitaire déprimé, une narration qui laisse le spectateur divaguer avec les protagonistes dans un espace ponctué de références (au moins 3 films de Pasolini cités : Salo, Théorème et Oedipe roi) et de figures obsessionnelles au réalisateur (une certaine vision urbaine, les dispositifs de prises de vues - notons à ce titre que l'acteur principal qui prenait des photos d'une jeune fille dans l'ouverture de Lolita Vib Zeme, construisant une suite d'images arrêtées en noir et blanc, est à son tour présenté comme si quelqu'un le photographiait de la même façon).

Peut-être pas le film le plus marquant de son auteur que l'on a déjà vu plus radical dans sa violence ou sa noirceur, Muscle pourrait constituer un point d'entrée valable dans la cinématographie de Sato. Hélas, il faut bien constater que cette dernière n'intéresse pas grand monde : l'éditeur Artsmagic a bien tenté d'en déterrer un peu pour presser un trio de DVD, mais les masters utilisés sont réellement décevants, et la sélection des titres un peu discutable, même si on ne peut vraiment pas se plaindre de les voir avec sous-titres anglais.

Un extrait du tout début de Kurutta Butokai qui situe un peu l'ambiance,
Muscle, Hisayasu Sato, 1988 :


Liens :
Muscle sur eigagogo
Plein de reviews de films de Sato chez Zeni

mardi 9 décembre 2008

Un lycée fou fou fou

Kairaku gakuen: kinjirareta asobi
aka Pleasure Campus: secret games

Cette adaptation d'un manga de Dirty Matsumoto menée tambour battant par Tatsumi Kumashiro est constituée d'une série d'épisodes plus ou moins indépendants, dont la majorité concernent une jeune étudiante, Sachiko.

Le tempo est donné dès le départ : une prof se dirige d'un pas alerte et assuré vers sa classe. Mais ses élèves se jouent des conventions de politesse avec ironie, provoquant le courrous de l'enseignante, laquelle va recevoir le concours de plusieurs collègues masculins pour discipliner la classe. Finalement, Sachiko se désigne coupable de la blague ; la jeune fille est retenue seule dans la clase de TP pendant qu'un conseil de profs statue sur l'incident. Dans un espèce de manège incessant les profs vont abuser sexuellement de l'élève... Mais les mésaventures de Sachiko ne font que commencer.

Antithèse des Amants mouillés dans la filmo de Kumashiro, Pleasure campus est hystérique et agressif, mais aussi comique. Il tourne en ridicule les figures de l'autorité adulte, les montrant sous le jour d'une hypocrisie libidineuse et abusive. Le conseil de discipline est un rêve de cancre sur pellicule, et la scène entre Sachiko et son père est d'un humour cruel.

A la distribution, on retrouve Junko Myashita, Akira Takahashi, ainsi que de nombreuses figures habituelles du roman porno. Et aussi l'étonnante Ayako Ohta dans le rôle de Sachiko, jeune actrice qui sera aussi en tête d'affiche du Sex Hunter d'Ikeda cette même année 1980.

Il manque peut-être un peu de cohérence dans l'action de ce film pour en faire une pierre blanche du roman porno, mais il compense aisément cette petite faiblesse par une énergie et une causticité plus qu'appréciables.
Un bon Kumashiro donc, surprenant qui plus est.

Pleasure Campus: secret games, Tatsumi Kumashiro, 1980 :

vendredi 28 novembre 2008

Chronique secrète 3

Maruhi: Shikijo mesu ichiba
aka Secret chronicles: she-beast market
aka Marché sexuel des filles


Tandis que les deux premiers opus pourraient être qualifiés de films en costumes, ce troisième se déroule dans un environnement contemporain... du tournage s'entend. Dès lors, dégagé des contraintes de décors et d'accessoires qu'on imagine comme autant de limites pour un film à petit budget, Tanaka peut filmer ses personnages plus librement évoluer dans leur milieu urbain.

En l'occurence un quartier pauvre, peuplé de racoleuses, petits macs, recycleurs de préservatifs... Parmi eux vivent Tome, jeune prostituée, son frère Taneo, handicapé mental et leur mère, prostituée aussi. Le film se présente comme une chronique de leur vie et celle de leur entourage : récit de leurs stratégies et coups bas indispensables à leur survie, mais aussi portraits pétris d'une poésie rugueuse.


Sorti en France en salles en 1990, puis en VHS chez Film sans Frontières, le Marché sexuel des filles bénéficie d'une excellente réputation, et le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'est pas volée. Tanaka livre une oeuvre qui affiche un réalisme social sans préchi-précha mais animé par des coups de boutoir de force vitale et de tragédie. Un genre d'exploit qui ne nous laissera pas de sitôt oublier les figures bouleversantes de Tome et ses compagnons d'infortune.

L'interprétation Meika Seri dans le rôle principal est estomaquante, gouailleuse et dramatique en même temps. Elle est bien accompagnée, notamment d'Akira Takahashi en julot casse-croûte et de Junko Miyashita en Fumie, novice du trottoir.

Fumie qui, au début du film demande à Tome :
"- Dites-moi... dans ce quartier, tout le monde doit se vendre ?
- Oui, même si on veut pas", répond l'interrogée. Tout est là.


La forme visuelle est comme à l'accoutumée chez Tanaka à la hauteur, c'est à dire sans faille, dans un noir et blanc contrasté, à l'exception d'une scène en couleurs vers la fin.


Le marché sexuel des filles, Noboru Tanaka,1974 :

jeudi 20 novembre 2008

Chronique secrète 2

Maruhi: joro seme jigoku
aka Secret Chronicle: prostitute torture hell
aka Hell-fated courtesan



Deuxième roman porno dédié aux Chroniques secrètes de la prostitution. C'est Noboru Tanaka qui prend les commandes, et s'éloigne de la comédie : si l'humour n'est pas absent du métrage, la tonalité générale tend au drame.
Notons que le film n'a semble-t-il pas connu d'édition occidentale sous-titrée, et que les dialogues tiennent apparemment une part non négligeable dans la narration. Et que ce n'est pas l'article dans le Sex Films de Weisser/Mihara qui lèvera le voile sur les parts restées obscures au spectateur non japophone.
Précisons aussi que les films de la "série" Secret Chronicles ne partagent aucun personnage commun, et que les évènements qu'ils racontent se situent dans des époques différentes. Là où ils se rejoignent, c'est qu'ils traitent tous du monde de la prostitution par le biais d'un personnage principal feminin bien dessiné.

La candide Oshin laisse donc la place à la fatale Osen, laquelle aurait la réputation de porter malheur à ses clients. Elle est dignement campée par l'actrice Rie Nakagawa (Love makes me wet, Woods are wet: woman's hell), aux côtés d'Akira Takahashi et de Yuri Yamashina, entre autres...
La réalisation de Tanaka brille dès l'ouverture : il s'agit d'un long plan séquence, un travelling avant et en plongée sur un chemin pavé, le générique étant inscrit sur les dalles de cette voie. Les noms arrêtent de défiler, on arrive à la rue de plaisirs que la caméra surplombe après un mouvement d'envol. Simple et élégant.
Même si la compréhension de tous les enjeux se révèle parfois hasardeuse pour qui ne comprend pas le japonais, joro seme jigoku contient largement son lot de scènes-qui-coupent-le-souffle, une intérprêtation au poil, et une réalisation classe. A partir de là, on peut supposer que l'ajout de sous-titres aurait de grandes chances de transformer cette belle réussite en oeuvre majeure.

Secret Chronicle: prostitute torture hell, Noboru Tanaka, 1973

vendredi 14 novembre 2008

Chronique secrète 1

Au cours d'une vente aux enchère de jeunes femmes, Kichitoji, "trader" de beautés en fleur pour maisons closes, fait l'acquisition d'Oshin. Celle-ci semble prometteuse sur le plan charnel aux yeux de l'entremetteur, mais sur le plan de l'intellect un léger déficit lui ferme les portes des plus prestigieux quartiers de plaisir.
Aussi Kichi place-t-il Oshin (et son meilleur et inséparable ami le taureau) dans une plus modeste maison de province. Le problème est qu'Oshin n'a pas bien saisi ce qu'on attend d'elle, la description "s'amuser et gagner de l'argent" n'ayant pas heurté son esprit naïf... les clients vont avoir des surprises.

Maruhi: joro ichiba est le premier opus d'une trilogie consacrée au monde de la prostitution. Réalisé par Chusei Sone (les suivants seront dirigés par Noboru Tanaka) il s'agit d'une comédie douce-amère bien menée qui n'évacue pas totalement la cruauté liée à la condition d'Oshin. Mention particulière à Yuko Katagiri qui interprête parfaitement l'infortunée ingénue, affichant une candeur immaculée.

On notera la musique de la bande-annonce, version nippone du lounge en vogue dans les bandes originales de films européens de la deuxième moitié de 60's et du début des 70's. Et si c'était Edda qu'on entend ici ? Bon, c'est quand même peu probable.

Secret Chronicle: prostitution market, Chusei Sone, 1972 :

mardi 4 novembre 2008

Bad karma

Dans la série appel du pied aux éditeurs, voici Yakuza Kannon Iro Jingi, aka Yakuza Goddess: Lust and Honor, oeuvre de Tatsumi Kumashiro de 1973.

C'est l'histoire de Seigen, né du cadavre de sa mère, recueilli et élevé par des moines bouddhistes. De sa rencontre on ne peut plus charnelle avec sa demi-soeur, fille de leur yakuza de père. De son abandon de la bure pour le tatouage intégral du torse. D'une passion incestueuse et d'un parcours de douleur qui mène à la démence.

Yakuza Kannon est un roman porno majeur aux accents de tragédie classique et ponctué d'éclats de violence typiques du jitsuroku. L'annonce d'une édition sous-titrée de ce petit bijou serait évidemment une excellente nouvelle.

Yakuza Goddess: Lust and Honor, Kumashiro, 1973 :

lundi 3 novembre 2008

Hit the road, Jack !

White Rose Campus : Then everybody gets raped !
Ca commence à sentir le roussi en 1982 avec ce roman porno de Koyu Ohara (quand même) sérieusement vulgos. Le prétexte ? Un trio de pervers prennent en otage un car de lycéennes en excursion, puis, après avoir fait descendre celles qu'ils ne trouvaient pas à leur goût, reprennent la route histoire de faire passer à la casserole les plus jolies dans ce rape-bus.

Au lieu d'un traitement choc, stylé et ultra violent, Koyu Ohara donne à son film des tonalités de comédie mysogine graveleuse, et ces agressions sexuelles sur autoroute prennent des allures de foire à la saucicsse. La révélation finale tente bien de remettre un peu de pathos là-dedans, mais peine perdue après ce long déballage de grossièreté.

Si la Nikkatsu livrera encore quelques grands films avant la fin de la ligne en 1988, 1982/83 sont une période charnière qui verra le début de l'effondrement de la qualité technique moyenne de leur production. A ce titre, même s'il est loin de toucher le fond, White Rose Campus laise entrevoir la fin de la récré.
Certainement pas le film de chevet des amis du petit doigt levé et de la finesse, il reste à voir par les amateurs de bis improbable et de roman porno.

Wite Rose Campus : Then everybody gets raped, Koyu Ohara, 1982 :

mercredi 29 octobre 2008

D-Zaka no satsujin jiken

Aka D-Slope murder.
4 ans après sa version du promeneur dans le grenier, Akio Jissoji revient vers Edogawa Rampo pour cette histoire de meurtre autour de fausses estampes sado-érotiques.
On y rencontre une partie du casting du film de 1994, notamment Kyusaku Shimada qui reprend le rôle du détective Akechi, mais aussi de nouveaux acteurs de poids dont Hiroyuki Sanada et Ittoku Kishibe.

Une ambiance dense à l'épaisse moiteur érotique, des images marquées par un style expressioniste de circonstance délimitent un univers dans lequel on s'immerge de bonne grâce.
Une réussite.

D-Slope murder, Akio Jissoji, 1998 :

mardi 21 octobre 2008

Promeneur dans le grenier

Après Noboru Tanaka en 1976, c'est au tour d'Akio Jissoji de s'y coller en 1994, pour le 100ième anniversaire de la naissance de Rampo. Le scope cède le pas à un format panoramique plus serré, la lumière se fait plus rare, l'univers dans lequel évoluent les protagonistes semble encore plus confiné. Ambiance, ambiance...

Le DVD japonais Geneon contiendrait une "uncut version" selon Cdjapan, habillée de quelques floutages occasionels et dénuée de sous-titre.

Watcher in the Attic, Akio Jissoji, 1994 :

mercredi 15 octobre 2008

Mondo Macabro 2009

Après la sortie prochaine de Assault: Jack the Ripper et Watcher in the Attic, l'éditeur devrait en 2009 continuer à visiter le roman porno avec 4 titres au moins.
Il s'agirait de Female Prisoner: Caged de Konuma (1983), de Sins of Sister Lucia, un nunsploitation de Koyu Ohara (1978), Showa woman: Naked Rashomon de Chusei Sone (1973) et The Marquis De Sade's Prosperities of Love de Akio Jissoji (1988).

Ce dernier n'est d'ailleurs pas à proprement parler un roman porno, cette ligne ayant trouvé son terme au printemps 1988, et est sorti sous la bannière Ropponica (en référence à ROman POrno NIKKAtsu).
Je tente une traduction du résumé tiré du Sex Films de Weisser : "L'histoire se passe au début de l'ère Showa, vers 1925. Un comte mène une vie de débauche, entre orgies nocturnes et parties SM, et possède un théâtre dans lequel il s'amuse à produire des pièces dont les rôles sont tenus par ses amis. En l'occurence, il est en train de préparer une version des Malheurs de la vertu de Sade. Le rôle de Juliette échoit à sa femme, ce qui implique qu'elle joue des scènes d'intimité sexuelle avec le personnage principal, ainsi que plusieurs sessions SM..."

La bande-annonce japonaise :


Et puisque Katan Amano semble avoir obtenu une certaine notoriété publique suite à la présence d'une de ses poupées sur la pochette du CD d'une célébrité française, signalons que son travail est présent dans ce film. Des captures :





Enfin Showa woman: naked rashomon, la bande-annonce japonaise de ce très solide film de Chusei Sone.

lundi 13 octobre 2008

Sans sous-titre

Mukashi mukashi...

Avant l'apparition de la vidéo domestique, les films se voyaient en salle. Il existait bien des versions en bobines super 8 pour la projection à domicile, mais la pratique n'était pas franchement répandue.
Et en salle, il n'est pas fréquent qu'un film étranger soit projeté sans doublage ni sous-titres permettant la compréhension des dialogues par les autochtones. Les exceptions existent, mais elles sont rares.

Avec l'arrivée de la VHS, puis surtout avec sa démocratisation et la baisse du prix du matériel, on a pu faire des duplications de films. Et du coup des échanges par la poste. Dans le monde entier (ou presque).
Evidemment aujourd'hui le procédé semble lourd et fastidieux, mais pour la première fois il était possible sans dépenser des fortunes d'avoir accès à plein de films ignorés par les distributeurs locaux. Et donc dans le tas, des films sans sous-titres dans des langues diverses et variées.
En ce qui concerne l'asie, les hong-kongais avaient l'extrême amabilité (même si ce n'était pas à notre intention) de mettre des sous-titres anglais sur leurs bandes. Ce n'était pas le cas des japonais. Il y avait bien VSOM qui traduisait certains titres, mais au prix d'une qualité très dégradée, en plus d'une bonne quantité de dollars.
Bref, c'est probablement à cette époque que la vision de films sans sous-titres dans une langue inconnue du spectateur s'est développée.

Or la VHS repose désormais dans son cercueil, et les DVD et divers formats de vidéo numérique permettent de nombreuses adjonctions ou bidouillages de sous-titres. Hélas la pratique du fansub est restée pour une bonne partie cantonnée au domaine de l'animation japonaise. Pas que ce soit inexistant dans d'autres domaines cinématographiques, mais plus rare, moins assidu.

Donc la question se maintient : quel sens cela a-t-il de regarder un film dont on ne comprend pas les dialogues ?

A l'évidence, et même avec le concours d'un synopsis, la perception de l'oeuvre sera différente. Moins sensée probablement, mais plus sensorielle. Une autre forme d'immersion.
Tous les films ne se prêtent pas au jeu, et découvrir ainsi un documentaire historique peut se révéler ennuyeux ou frustrant.
Mais voilà, les japonais ne mettent pas systématiquement de sous-titres anglais sur leurs DVD, et Geneon sort des titres qui ne peuvent pas laisser insensible.

Ainsi Ningyo Densetsu (Mermaid Legend 1984) de Toshiharu Ikeda reste-t-il magnifique sans la compréhension des dialogues, avec sa musique envoutante, ses sublimes passages sub-aquatiques, sa sauvage scène de massacre post-coïtal et son hécatombe finale inoubliable.



Nureta koya o hashire (Retreat through the wet wasteland 1973) de Yukihiro Sawada, Roman Porno en forme de film noir désespéré se comprend dans les grandes lignes sans trop de difficultés. Cette histoire de flics pourris s'ouvre sur un braquage avec viol et se referme avec un scène plus sauvage encore.
Au milieu erre un personnage amnésique qui rencontre une jeune fille dans le train :



Evidemment, si on m'offrait des sous-titres français ou anglais pour ces films, je prendrais sans hésiter. Mais il n'y en a pas pour l'instant, et l'expérience qu'est la vision de chacun d'entre eux en l'état, ben c'est pas du pipi de chat.